Dans le cadre de l'évènement national 'imaginer maintenant' lancé par le ministère de la culture en faveur de la promotion de la jeune création, la ville de bordeaux a lancé un appel à projet concernant la mise en place de l'évènement dans les lieux patrimoniaux que sont la base sous-marine et la caserne Niel. Dans cet appel à projet il nous était notamment proposé de créer un hôtel éphémère servant à accueil des jeunes créateurs pendant la durée de l'évènement. C'est à ce cahier des charges que nous nous sommes soumis avec Dauphins Architecture, le bureau d'étude B.Ing, la matiériste/coloriste Pauline Desbat et le concepteur lumière Benoît Deseille.

Notre projet d'hôtel éphémère a choisi de s'implanter au milieu des vestiges du jardin du capitaine de la caserne. En effet consécutivement à une dizaine d'années d'abandon de la caserne le jardin a largement proliféré lui donnant un caractère de jungle. Nous avons imaginé un dispositif, de chambres autonomes, posées comme des modules lunaires sur cette nature fragile. Ce système de chambres hors sol a précisément été étudié pour préserver le jardin existant et pour le laisser intact à la fin de l'évènement.

Les modules chambres sont composés d'une plateforme surmontée d'un dôme géodésique. La plateforme de 3x3 pour les toilettes (système de 'dry toilets' hors sol) et les douches (récupérateur d'eau de pluie chauffe-eau solaire et surpresseur). La plateforme de 4x4 pour les chambres de 3 personnes et la plateforme de 5x5 pour les chambres de 4 personnes. On accède à la chambre au moyen d'une échelle par une porte posée à l'horizontale. Les dômes sont recouverts par une matière plastique qui enferme des paillettes phosphorescentes qui brillent dans la nuit. A noter aussi la proposition d'un dome de 110m² comme point d'accueil/entrée avec jacuzzi, barbecue et table commune.

La symbolique essentielle de cet hôtel éphémère réside moins dans le fait de sa conception naturelle que dans son fonctionnement. En effet ce projet a la volonté non seulement de révéler ce bout de nature au milieu du béton, mais aussi de la mettre en valeur en la laissant intacte après notre passage. Totalement hors sol, cet hôtel est aussi le fruit d'une volonté de 'fabriquer ensemble' à l'image de ce chantier collaboratif et festif qui c'est déroulé pendant dix jours. Cet hôtel a la vocation de repartir sans laisser de traces, pour servir nous l'espérons les intérêts d'une autre communauté extraterritoriale éphémère et heureuse de cultiver son jardin.

Fresque fluviatile

L'intervention proposée sur l'enceinte murale de l'hôtel éphémère est une combinaison de savoir-faire traditionnel et de savoir-vivre actuel. D'une part, la matière première utilisée pour l'habillage pictural est un mélange d'argile prélevé sur les berges de la Garonne avoisinant le site, d'un badigeon de chaux italienne, de pigments terres et oxydes et d'huile de lin. L'aspect éphémère du décor repose d'abord sur le faible coût de la préparation du support. On parle ici de recouvrement selon l'état structurel des murs. D'autre part, ce travail suggère une réflexion sur l'impact des graffitis et peintures conventionnelles ainsi que sur les enduits de ciment qui se décollent aujourd'hui, laissant ainsi voir les appareillages de chaux, pierres et moellons. Ces matières sont pour nous les témoins des différentes approches de réalisations liées aux réalités économiques et aux choix des maîtres d'oeuvres des différentes époques. Par ailleurs, les formes organiques et géométriques des dessins préparatoires évoquent les travaux de Luc Schuiten, Richard Buckminster Fuller, Richard Long et ses "Mud circles", ainsi qu'a toute la réflexion sur le recyclage et l'interaction saine avec l'environnement, établie par les artistes du Land Art et de l'Arte Povera dans les années 1970. Ce décor est donc une fresque fluviatile qui accompagne les hôtes dans une scénographie poétique et féerique.